L’expérience de soi

Le rapport à l'expérience de soi dans les métiers de la relation

Auteur.e de la publication
Jean-Marc Paragot
RESUME

Il est des occasions singulières au cours desquelles il est question de s’appliquer à soi-même le cadre, la contrainte, le modèle qui se sont construits lentement à partir d’expériences successives.

Le moment venu, ils s’imposent de l’intérieur comme une nécessité de rendre sensible ce qui a été vécu et de donner du sens à l’expérience singulière en la divulguant.

 

C’est l’enjeu de ce texte qui représente un point de non-retour : l’expérience singulière communiquée fera écho à celles des lecteurs et contribuera à donner du sens  ou bien, les mots et les évocations, les textes et les pré-textes demeureront anecdotiques et n’apporteront rien à la compréhension de ce qui se joue dans les métiers de la relation dont l’enseignement en matière de rapport à l’expérience de soi.

 

Tout ce que contient ce texte peut être lu comme la trace de l’expérience de soi de l’auteur dans des situations professionnelles d’enseignant, de formateur, de chercheur.

Les doubles y sont sensibles grâce aux traces des compagnons de route rencontrés depuis quinze années, des co-élaborations de savoirs, des collisions d’idées qui se sont alors réalisées.

 

Lors de chacune des parties, nous aurons recours à un pré-texte que nous tendrons au lecteur entre sa pensée et la nôtre. Une bribe d’auteur qui permettra de penser avec nous ; voire de construire un savoir commun.

Le va et vient de la personne au professionnel se matérialisera par la nature des textes : tantôt, traces de l’intime et réfléchissant, tantôt actes de construction visant l’extériorité.

 

Enfin nous tenons à exprimer que pour ce travail, nous n’avons pas manqué de vivre, une fois encore, la difficulté et  la nécessité de la reprise des savoirs épars  pour clore un temps et envisager le passage à une suite.

1          La référence à l’expérience subjective

L’accès en première personne à sa propre expérience

Selon P.Vermersch [i] , deux voies semblent possibles pour accéder à l’expérience subjective : la première passe par la médiation des textes, la seconde est celle de l’accès en première personne à sa propre expérience.

Dans le second cas, le travail sur le pôle du réel n’est pas sans poser quelques questions :

Comment changer les habitudes de recherche qui s’appuient la plupart du temps sur des points de vue à la troisième personne ? Le chercheur espère ne pas être trop présent en tant que personne au cours des différentes phases de son travail. Il expérimente.

Comment donner une place dans l’élaboration du savoir aux gestes expérientiels, à savoir : porter son attention sur son vécu, sur l’expérience subjective, sur ce à quoi chacun peut accéder de son expérience au moment même, ou après en avoir fait l’expérience ?

Quelle place faisons-nous au double, à la seconde personne qui interroge, recueille des bribes, co-construit un point de vue, un savoir à partir de l’expérience dont l’Autre fait état ?

En quoi la mise en forme (formalisation par le langage général) de l’expérience pèse-t-elle sur l’accès même à la pensée de celle-ci ?

« Accéder à ce vécu, et plus encore, le décrire une fois le réfléchissement opéré sont des activités expertes, difficiles, demandant un apprentissage, un exercice assidu pour leur donner précision et stabilité.

Autrement dit, il faut accepter cette rupture épistémologique narcissiquement très brutale : ce qui m’est le plus intime dans l’acte même de le vivre, ne m’est pas donné comme connaissance, ni immédiatement (il faut l’élaborer), ni spontanément (il faut apprendre ce geste intérieur), ni facilement (il faut s’y exercer, et souvent le vécu se dérobe à mes tentatives maladroites pour le réfléchir). » [ii]

Nous comprenons bien que le vécu soit disponible à la mise en conscience, geste cognitif qui suppose un savoir-faire, mais que rien ne se produit automatiquement. Il faut la volonté de le faire ou le recours à un médiateur.

Pouvons-nous, en outre, penser pertinente l’élaboration d’une connaissance du singulier ?

Les enjeux  d’une telle posture renvoient  à la citation de JC.Piguet par P.Vermersch [iii] :

« La subjectivation fondamentale dont témoigne l’histoire de la connaissance occidentale consiste en ceci, que le siège de la connaissance a été déplacé successivement de la réalité à la connaissance de la réalité ; de la conscience de la réalité à la réflexion de cette conscience par elle-même ; de la pensée qui se lie à la réalité à une pensée qui se pense elle-même avant de se lier à la réalité ; d’une pensée qui se pense elle-même à une pensée qui prend appui sur le langage qu’elle tient ; et enfin, de là, à une pensée dont on voudrait aujourd’hui, qu’elle ne soit plus que langue, discours et parole. »

La pensée enseignante en action :

« Penser à l’enseignement n’est pas pratiquer l’enseignement. Ecrire ou parler de l’enseignement (même un grand nombre de fois et même toute sa vie) n’est pas pratiquer l’enseignement. Mais je peux savoir pratiquer l’enseignement et ne pas savoir en parler et même ne jamais y penser (une pratique peut rester irréfléchie).

Quand je sais pratiquer l’enseignement, il peut aussi devenir un objet de pensée et même je peux m’essayer à formuler en quoi cela consiste. Mais formuler en quoi consiste l’enseignement ne garantit pas que je sache le pratiquer, ni même que je sache de quoi il s’agit. »

Dernier clin d’œil à la lecture commentée de JC Piguet par P.Vermersch [iv] . J’ai joué comme ce dernier nous y invite à remplacer l’objet « réduction » par un autre qui nous concerne davantage, ici : « enseigner » …

Un article datant de dix ans  de F.V Tochon [v] nous avait incités à dépasser l’idée de « réflexion-en -action » de Schön pour construire celle de « pensée enseignante en action ». [vi]

Non seulement l’enseignant en train d’enseigner aurait la possibilité de prendre conscience de ce qu’il perçoit, fait, dit mais en plus il serait en mesure (une fois entraîné ou après une durée significative d’expérience professionnelle) de saisir la réalité en train de survenir d’un point de vue extérieur, totalisant.

Il serait doué de l’usage simultané de deux caméras : une qui rendrait compte de ce qu’il voit de sa place et une, en plan plus large, qui construirait un panorama où il serait en mesure de se percevoir lui-même en train d’agir, de parler, de percevoir.

2          La notion de double épistémologique

« Le thème du double tel qu’il a été traité dans la littérature du XIX° siècle ou dans la littérature contemporaine de science-fiction, est toujours un développement de la notion de double identique. Là, le sujet affronté à son double est inexorablement conduit à la mort ou à la folie. Au contraire, dans les mythologies traditionnelles qui assurent un soutien à la structuration  psychologique du sujet, il s’agit le plus souvent d’un double symétrique dont la rencontre a plutôt valeur d’initiation. » T.Nathan [vii]

Pour notre travail , l’idée du double permettrait de saisir la difficulté à construire une compétence particulière après en avoir pris conscience pour enfin pouvoir la nommer : « la pensée enseignante en action ».

En suivant les pistes d’une ethno-pédagogie possible nous nous interrogeons quant à la nature du double en tant qu’opérateur psychique, quant au rôle des langages dans cette fonction ( langage oral, écrit, corporel).

Sa fonction est de délimiter  « l’identité du sujet ». Aussi nous pourrions avancer que le double apparaît chaque fois qu’il se révèle nécessaire d’établir la frontière du sujet ou en dernier ressort de le réassurer dans son identité ; y compris professionnelle. Nous travaillons alors le dedans et le dehors, le moi et le non-moi, la perception d’une topographie psychique en écho avec les sensations corporelles (image de soi en double reconstruite), la réinterrogation de l’appartenance sexuelle.

Entre ces doubles , l’existence d’un voile qui rendrait aveugle (cécité ), nous obligerait à le nommer dans le métier d’enseigner : rapport au savoir ? Représentations liées au métier ? Singularité et corps enseignant ?

La cécité initiale serait constitutive de la difficulté à construire sa propre « pensée enseignante en action ».

Les confusions entre les perceptions de soi comme sujet et comme objet, des niveaux d’expert et de personne seraient des formes de la cécité professionnelle dans les métiers de la relation.

Si être professionnel dans les métiers de la relation c’était voir clair entre le professionnel, l’expertise et le personnel (dont le rapport subjectif au savoir que l’on enseigne) ; alors, comment pourrait-on s’y prendre pour rendre les choses visibles au sujet lui-même ?

Nous pensons que l’acquisition de « la pensée enseignante en action » se traduirait par un raccourcissement progressif du délai entre l’action et la conscience de celle-ci ainsi que par la réduction de la sensation de double à la conscience de deux réalités en relation grâce à l’espace de la distance de professionnalité.

Il conviendrait alors de défusionner le rapport narcissique au savoir, c’est à dire :

« Le savoir n’est pas moi ; l’exposer à partir de moi ne suffit pas. »

« Ils ne sont pas moi …même si je souhaite qu’ils me ressemblent ! »

« Le rejet du savoir par les élèves n’est pas forcément le rejet de moi … Je ne suis pas en danger ! »

Il faudrait comprendre les enjeux identifiés à l’expertise comme liés mais non réduits aux enjeux personnels.

Enfin, il serait  profitable d’accepter les moments relationnels comme des moments doubles, avec un versant affectif et un versant professionnel.

 

3            La distance de professionnalité dans les métiers de la relation.

J’avais réalisé sur le tableau noir à l’IUFM des Batignolles, en Mars 93, [viii] un  schéma illustrant la distance de professionnalité ; je proposais alors de saisir notre métier d’enseignant  parmi les autres métiers de la relation :

« Les nuances se construisent au regard de l’objet qui met en présence les protagonistes de la relation et en fonction du  niveau d’institutionnalisation de celle-ci :

soignant/soigné-e ; médecin/patient ; vendeur/acheteur ; écrivain/lecteur ;                                                                       décideur/exécutant ; formateur/formé-e ; maître/élève…

 

Le soin, la maladie, le bien, le texte, la décision, la transformation et le savoir sont des objets constitutifs « de » et constitués « par » la relation institutionnelle. »

Expert / personne

Chaque protagoniste est composé d’un noyau subjectif, intime, secret voire inconscient de sa personne et d’une surface visible, efficace d’expertise.

Entre les deux, une distance variable et évolutive serait le lieu d’amortissement et de transmission des effets professionnels sur la personne et réciproquement des affects personnels sur l’expertise ; ce que nous avons dès 1991 [ix] appelé la « distance de professionnalité », lieu du « pilotage » de soi en relation professionnelle.

C’est aujourd’hui, pour nous, l’enjeu du double épistémologique

Objet fondateur

Qu’est-ce qui fonde notre relation ?

Quel est l’objet du point de vue de l’un, du point de vue de l’autre ?

La rencontre appelle la nomination de l’objet qui fonde la relation et l’accord sur sa nature. Le savoir qui est lié à l’objet et les gestes qu’il requiert convoquent une expertise tant chez l’un que chez l’autre des protagonistes.

Tiers lieu médiateur

Cet espace mérite d’être éclairé par plusieurs points de vue. Le texte sur l’éloge de l’attente est intime, il concerne l’objet amoureux et permet de saisir ce qui peut se jouer dans la possibilité d’une co-construction. Ensuite, le texte sur le tiers-lieu pour une approche de cette fonction et en fin la part manquante pour comprendre les articulations fines entre les protagonistes et l’objet d’une relation y compris en situation professionnelle.

« L’éloge de l’attente »

L ‘amour a ses paradoxes, le temps ses partisans… précisément le temps de l’attente.

En tant que manifestation de l’absence, l’attente sera d’une durée plus ou moins « épaisse » en fonction de l’appréciation subjective qui lui sera donnée ; tombeau d’ennui et de frustration ou berceau d’un désir dopé par le manque.

Par ailleurs, l’attente peut aussi devenir le siège des plus folles interprétations, comme le dit Nietzsche :  » un sûr moyen de monter les gens et de leur mettre de méchantes pensées en tête, c’est de les faire longtemps attendre. Cela rend immoral ».

Toutefois, l’attente qu’induit l’absence de l’être aimé (quand cette absence est provisoire) peut être considérée comme la meilleure garantie de longévité, sinon de l’amour, du moins du désir.

« La survie du désir… » comme nous le dit Alice Chalanset dans  » le temps des rendez-vous » :

« La cristallisation, ouvrière de l’amour, ne peut se faire qu’en l’absence de l’aimé. On ne peut, par et dans la seule présence, combler l’autre. Il faut aussi lui donner l’écran vide où s’inscriront ses rêves ; quelle autre offrande alors que de devoir  s’absenter, se faire attendre, venir à manquer… »

L’attente permet d’échapper au poids massif de la présence, qui ne laisse aucun jeu à l’image. Elle évite les pesanteurs du repos – inertie du désir, degré zéro de la jouissance. Car si la présence de l’aimée produit vraiment de la joie, c’est au moment où elle se double du souvenir ou de la menace d’une absence. Retour ou départ, retrouvailles extatiques ou adieux  « déchirants » : qui ne se souvient de ces effusions dans le décor sordide d’un quai de gare… La survie du désir suppose l’alternance présence – absence. Encore celle-ci doit-elle être sans règle, sans rythme, imprévisible, déroutante, pour conjurer la routine. Pour laisser place à l’incertitude, l’inquiétude, l’angoisse, la curiosité…

Aimer, c’est donc aimer dans l’autre non le transparent mais l’opaque, l’énigmatique, l’insaisissable, que l’on n’aura jamais fini d’explorer. Explorer, et non coloniser. L’amour, qui commence comme une aventure, ne devrait jamais cesser de l’être : attente sans objet, sans image, accueil de l’inattendu.

Aux figures de l’unité, de la réunion et du semblable font face ici les formes diverses de la dualité, de la disjonction, et de la dissemblance. On ne peut vivre en espace clos sans se sentir menacé d’étouffement. Il faut de l’ouverture : et c’est ainsi que le couple acquiert pour se divertir de nouveaux objets : décors, enfants, maison, musique. Il risque pourtant de ne trouver en cette voie qu’un renforcement de l’alliance et de l’enfermement, quand il conviendrait au contraire de multiplier portes et « fenêtres » : car c’est un espace singulier que chacun doit se constituer.

Ainsi s’exprime et se vit le paradoxe de l’amour ; se rejoindre vraiment, créer de la proximité, cela suppose l’aménagement et le maintien d’un espace pour le désir, et le désir inclut la distance, la privation, l’intervalle.

« le tiers lieu » : parlons-en !

J’évoque d’abord l’ouvrage de Michel Serres, « le tiers instruit », afin d’imagier à l’aide de son écrit le sens d’épreuve que je proposais alors pour l’acte d’apprendre

Puis, s’est imposée à moi l’idée de « la part oubliée » comme une aide à saisir les nuances entre former et instruire ; question incontournable dans une formation d’enseignants :

  • instruire serait alors la volonté de combler, de gaver une « part oubliée » qui s’annonce comme l’enjeu du devenir « savant ».
  • former consisterait à essayer de nouer, renouer pour chacun en présence de l’Autre, son état présent avec sa propre « part oubliée ». L’un serait l’écho de la « part oubliée » de l’autre. Chacun dans la rencontre serait en évocation de » La part oubliée ».

Enfin, le temps se compte différemment en durées personnelles ; mais la clôture signifiée permet de retracer le parcours et de le rendre objectif, de déclarer « utile » pour la suite ce qui a été construit.

Le « tiers lieu » découle de tout cela :

  • C’est un lieu défini par l’orientation du temps.

Il ne peut survenir qu’après une orientation lucide et volontaire vers l’avenir ( avec toutes les conséquences pour le sujet face au temps qui passe.) ; l’involution (« je tourne en rond ! ») devient alors impossible. C’est l’instant de l’engagement.

L’annonce renforce la volonté et la potentialité d’engagement.

Le pas vers l’inconnu s’impose comme nécessaire bien que redoutable et redouté.

L’acceptation du changement de soi pour soi rend possible le face à face avec l’in-su, l’in-connu.

L’attente construit le sens de la durée, du passage.

L’accomplissement doit être attesté pour envisager la clôture et la possibilité d’un autre passage.

  • Il est virtuel au début ( qui est seulement en puissance et sans effet actuel ) et placé « entre » les protagonistes de la rencontre (il ne peut pas être un pré-texte, un pré-savoir, un pré-acte, une pré-vision de l’un par rapport à l’autre) ; il procède donc de l’in-su et de l’im-prévu pour chacun.
  • Il est le lieu de construction du savoir : il pose le savoir comme probable et sa construction possible entre les deux personnes.
  • Par l’objet qui les unit et qui le définit initialement, il renvoie à des compétences acquises ou à construire pour les experts en présence. Il devient potentiel.
  • Chaque protagoniste (expert et personne) construit dans le tiers- lieu (la part manquante ?) quelque chose qui vient de lui-même qui féconde et se féconde à une autre part venant d’autrui ; le tiers-lieu est alors actualisé.
  • Il s’y constitue un objet inédit qu’il est nécessaire pour chacun de saisir dans sa propre histoire (d’incorporer) pour l’assimiler à son identité.
  • L’Autre est à tout jamais complice, garant et codétenteur du savoir ainsi élaboré.

Il n’en demeure pas moins nécessaire de questionner ce qui reste en dehors, ce qui ne s’importe pas dans l’espace tiers : « La part manquante de soi ».

 

« La part manquante de soi ».

Elle permettrait de :

  •  Préserver le mouvement autonome du sujet vers l’espace tiers et ce, dans les deux sens. De soi vers l’objet en construction et de l’objet vers soi ; forme de discours récursif .
  •  Concevoir le sujet comme non réductible à l’objet tiers ou bien impossibilité de le confondre en totalité dans le renversement sujet / objet.
  •  D’accepter qu’il en soit de même pour l’autre protagoniste, en créant ainsi un sentiment d’Altérité synonyme de similitude et non de confusion.

 

L’Autre deviendrait alors inaliénable à l’objet de la relation, à l’idée de l’Autre pour Soi, à Moi en tant que mon propre objet.

D’offrir, après un temps de travail de va et vient de SOI à l’objet, l’idée que «   l’espace projectif interne   » ainsi rendu conscient ne serait pas un tiers  lieu pour d’autres relations mais un espace du savoir de Soi.

Celui-ci restant disponible à Soi dans le cadre de la relation à l’objet  et de la relation à l’autre ; donc, dans le cadre de l’action.

De préciser ainsi la notion de savoir de Soi en action.

En important cette démonstration dans le cadre de l’enseignement, on définirait ainsi l’espace noyau de chacun des pôles en présences : la personne subjective. La part manquante renverrait alors à l’expertise dans le rapport du sujet au savoir et dans le rapport à l’autre en situation professionnelle.

Ce serait donc en questionnant le rapport de Soi au savoir, de Soi à l’autre, et du soi professionnel à Soi que l’on pourrait  espérer travailler au savoir de soi en action appelé dans ce cadre précis : « la pensée enseignante en action ».

 

4            Eléments d’une notice pour la formation.

 

Article I.                          Sorbonne 2000 [x]

Peut-on concevoir la formation comme un espace-temps de passage, d’aventure qui permette de construire une nouvelle compétence et la conscience de celle-ci à partir d’un état initial repéré   ?

Peut-on offrir aux formés une utopie en chantier [xi] , un « non-lieu » à bâtir tout en bâtissant son propre savoir de soi et du « non-lieu »   ?

Saisir une occasion de former, de se former comme une réalité au-delà de l’espace pédagogique, de l’espace politique et de l’espace privé pour en faire autant de pôles du tout formation qui représentent ainsi la trace de secteurs indispensables, inoubliables, inconfortables de tout acte de formation. Soit trois éléments repères   :

  • L’engagement issu du politique,
  • Le savoir issu du pédagogique,
  • La relation issue du privé.

Article II.                        Le retournement en formation

En formation continuée ou en formation par alternance se pose le problème de l’articulation entre théories et pratiques. Un essai de clarification des relations entre les parties en présence semble pouvoir aider à baliser les itinéraires de formation.

Lorsqu’un enseignant formateur se retrouve avec un groupe de stagiaires en formation, il a à faire à des élèves doués d’une « maîtrise » qui en fait des élèves capables de réversibilité.

Le passage pour ceux-ci du statut de maître à celui d’élève apprenant est porteur de l’histoire de chacun de ces élèves. C’est aussi la marque d’une rupture entre « avant » et « après ».

Comment auront-ils saisi cette occasion de bouger, de se mobiliser ? Voilà un des enjeux !

La référence implicite du formateur à un modèle (l’enseignant, des élèves, un contenu, un environnement.) justifie la nature, la forme des apports théoriques, des apports techniques, voire du rapport entre faire et comprendre.

L’objectif de ce travail est, à terme, de permettre à l’élève d’appliquer, d’agir, d’adapter en maître.

Le risque est de laisser peu de place au maître sous l’élève (celui d’avant, le théorique en référence, le potentiel en devenir) et de ne reproduire que des modèles rendant confortable la relation formateur/formés dans l’instant, pour les uns et pour les autres… Mais après ?

Dans ce modèle, nous pouvons percevoir que le cadre de la formation (rapports entre le maître, les élèves, les contenus, l’environnement ) sert de contrepoint, de décodeur entre les situations professionnelles dans lesquelles l’élève est le maître et celles référencées par le formateur comme valides ; où le maître en formation doit pouvoir identifier la pertinence tant du point de vue de l’élève que de celui du maître.

Ce qui est en jeu :

 

* Pour le stagiaire apprenant :

– du point de vue des contenus :

. des savoirs méconnus

. des conduites, des comportements innovants

. des actes inédits

 

– du point de vue de la variété des rôles dans des groupes :

. s’opposer, collaborer, créer, produire

. seul, à deux, à plusieurs.

 

– du point de vue de la diversité des tâches :

. faire, comprendre, essayer,

. organiser, gérer, enseigner.

 

* Pour l’enseignant – guidant

 

– du point de vue didactique :

. choisir, aménager, appliquer, évaluer les apprentissages.

– du point de vue technique :

. organiser, observer, gérer, revoir les motifs d’action, les occasions d’apprendre pour les stagiaires.

– du point de vue pédagogique :

. varier les espaces, les espaces de formation, les modes de communication

. analyser les motifs d’action pour les sujets en train d’apprendre.

– du point de vue personnel :

. s’apprendre en train de s’essayer à des situations nouvelles ou inconnues.

 

Ce dédoublement ainsi que la rupture chronologique semblent être des motifs de mobilisation pour éclairer, transformer la pratique du maître et créer un écart qui sollicitera l’apport de théories pour la compréhension de ce qui se réalise.

Lorsque l’élève-maître se retrouvera Maître, il aura la possibilité d’évaluer son intention d’agir, son intention de mettre en pratique ses apprentissages ; ses représentations de lui en train d’enseigner.

Les effets de la formation seront peut-être ressentis comme :

  • occasion de retournement : « ai-je bougé, en quoi, comment ? » (retournement cognitivo-cognitif ).
  • occasion d’acquisitions techniques : »que sais-je faire, que puis-je tenter? »(expertise professionnelle).
  • occasion de piloter ses actions : « à quoi fais-je référence, comment expliquer, gérer, résoudre tel ou tel problème, imprévu…? » ( professionnalité).

Permettre aux enseignants de gérer leurs apprentissages nécessite de leur apprendre à anticiper, à se représenter autant l’acte d’enseigner, les contenus, que les termes de la relation pédagogique.

Le but escompté et annoncé (d’une façon ou d’une autre) sert de point de référence pour une lecture des écarts après la clôture de l’action entre ce qui était prévu et ce qui s’est réellement déroulé.

De plus, il aide à repérer en cours de route les « déviances », leurs causes et leurs effets sur le projet initial.

L’évaluation de la formation peut s’opérer en référence à la fois :

  •   au projet individuel du maître venu apprendre
  •   au projet de formation scellé dans les rapports entre le(s) formateur(s) et les formés.
  •   au projet institutionnel qui se définit dans un contexte et une demande précise.

Les éléments à prendre en compte sont de nature pédagogique, technique, didactique, personnelle et peuvent revêtir une forme sommative, formative mais toujours continuée, de la conception à la concrétisation du but annoncé.

 

Article III.                      La reprise

Le sens naît de la reprise … Parlons du « onze » par exemple. Le « onze » est reprise du « un » par le « un » immédiatement consécutif.

Le premier clos,  le second rappelle et signifie à la fois la similitude et la singularité.

L’un et l’autre balisent un regard décalé sur le temps, l’espace d’un clin d’œil. Passer de l’un à l’autre, c’est passer d’avant à après, de d’abord à suivant …

L’ensemble prend réellement son sens, lorsque le second, par la place qu’il occupe, par le rôle qu’il joue, définit la logique de ce qui s’est écrit entre le premier signe et son rappel par le second : le sens naît de la reprise.

« Un » seul est un, premier, indéfini …

« Un » puis « un » n’est pas « deux ; ils sont « onze » et certainement pas symétriques. Ce n’est pas une figure de style qu’ils tracent, c’est un nombre !

Reprendre un texte ; c’est élaborer un savoir à partir  de bribes déjà posées ; c’est trouver des articulations nouvelles ; c’est avancer encore … Paradoxe !

En complément, admettons que chaque moment social actuel est trace et sens des moments antérieurs.

Reprendre des éléments de la vie professionnelle, personnelle (expériences de formation, regards sur l’apprentissage ou sur le savoir ou sur l’enfant) au travers d’un bilan de compétences c’est l’occasion pour les stagiaires  d’écrire sur soi, de soi à partir d’un cadre.

Puis, c’est parler à partir de ces traces écrites, choisir ce qui s’importera ou non dans le cours de la formation. C’est aussi les aider à comprendre ce qui les amène là. C’est enfin saisir ce qui fait sens ou ce qui fait obstacle à leur adhésion à la formation.

Savoir que la reprise est importante c’est en outre la prévoir en produisant souvent des bribes de texte de nature et de statuts différents en les datant, en les laissant disponibles pour soi (la reprise) et pour les responsables de la formation (le témoignage).

Article IV.                     L’accompagnement

Depuis quelques années (1997), les stagiaires de l’adaptation et d l’intégration scolaires embarquent pour deux ans en formation.

Ce temps long induit des difficultés, des renoncements, des doutes qui touchent l’expert ou la personne et souvent les deux.

Les changements de point de vue, de façon de faire, de perception de soi en train de travailler dans l’institution entraînent des déséquilibres.

Les tâches multiples qui sont définies par la formation longue, en alternance nécessitent un pilotage permanent des liaisons et des perspectives.

Scander, relancer, garantir les échéances sont des tâches de formateur. Annoncer, attester de la clôture, parcourir en même temps en partageant le risque sont des rôles du passeur.

Des outils ont été élaborés qui permettent aux protagonistes de la formation d’assurer l’accompagnement.

Le projet de formation individualisé s’élabore tout au long de la formation depuis le premier fragment du bilan de compétences ; revisité à l’occasion de plusieurs balises incontournables :

le sujet du mémoire professionnel, les contrats des différents stages et surtout celui en responsabilité de première année, le projet professionnel de seconde année qui voit le jour entre les deux années scolaires de formation en vue de les articuler réellement.

Tous ces « écrits pour la formation » permettent de s’engager dans des actions et de mesurer, à l’issue, l’écart entre ce qui était initialement prévu et ce qui s’est effectivement réalisé.

Le sujet en formation est invité aussi souvent que possible à produire des textes, des bribes qui, datés et posés permettent la reprise ultérieure ou qui mis en perspective donnent une idée du « chemin » parcouru.

En outre, un atelier est proposé tout au long des deux années, afin de produire pour soi une écriture en formation qui favorise l’expression des émotions, des perceptions, des réflexions sur soi au travail.

La réélaboration possible des textes permet d’envisager la communication en direction des pairs en levant l’implicite et en construisant l’idée d’une distance de professionnalité dans les métiers de la relation.

De quel temps faisons-nous état en pédagogie ?

 

* Du temps arrêté par le pouvoir du maître qui, par anticipation, a construit une situation pédagogique à l’abri des influences extérieures incontrôlées ?

Les paramètres de la situation ( les acteurs, le contexte, les enjeux.) sont autant d’indicateurs du temps pré-vu, construit, arrêté. Ces contraintes -hors nature- surdéterminent la « condition  humaine » et tendent à stabiliser les états et le temps. Il s’agirait d’un temps mort et non d’une durée.

Nous notons ici un paradoxe : ce qui stabilise, installe les protagonistes dans une situation pédagogique est le socle qui permettrait d’accepter ce qui menace, déforme, déséquilibre le réel construit à priori par le pouvoir du Maître qui sait.

La compétence professionnelle serait en quelque sorte de pouvoir accepter l’incertitude comme signe et effet incontournables de la mise en relation de la situation pédagogique (pôle conceptuel, schématique et à priori d’une réalité.) avec l’action enseignante (pôle vivant, imprévisible et mobile d’une réalité.)

* Du temps qui s’épaissit pour devenir un « moment » ?

Au-delà de l’idée de déroulement du temps et de durée linéaire, il y aurait, selon Henri Lefèbvre,

« … dans les consciences individuelles et/ou sociales des durées intérieures à elles-mêmes pendant un certain laps de temps, se maintenant sans s’immobiliser ou se mettre hors du temps : « les moments ».  »

Chaque « moment » permettrait que la conscience y pénètre sans pour autant la garder captive. L’usage de soi, la liberté consisteraient à pouvoir passer d’un « moment » à un autre ou d’en créer de nouveaux en important quelque chose de soi à chaque fois pour construire, à l’occasion, la conscience de son identité particulière ou rencontrer l’inédit.

L’exténuation professionnelle de l’élève et du maître proviendrait de l’effort requis pour s’extraire d’un « moment », retrouver la durée et s’impliquer à nouveau dans un autre « moment ». Nous retrouvons ici l’idée du passage que nous ne développerons pas ici.

La notion de « moment » de H.Lefebvre fait écho à l’idée d’espaces virtuels intimes ou de « bulles » dont nous parlait P.Nagel en 1992. Ils seraient autant de points de vue, de « Totalités partielles » reflétant la totalité.

« Voilà, j’ai tenu à rééditer une sollicitation car je pense que le savoir repose sur la comparaison (au moins de l’usage de soi qui change.).D’où l’idée qu’une première fois, même si elle déclenche l’inédit, n’en reste pas moins hasardeuse, intuitive ; alors que la reprise permet de saisir consciemment l’écart entre deux réalités.

C’est par-là, me semble-t-il, que s’amorcent le savoir de soi, celui sur l’objet et la maîtrise des outils pour le construire.

Enfin, je désire clore un ensemble de moments afin de nous permettre collectivement et/ou individuellement d’appréhender la globalité d’une communauté de savoirs élaborés dans des espaces et des temps qui semblaient oubliés.

Les « stages nationaux » clos, s’offrent à nous des moments et des lieux d’échanges, des espaces et des temps de mise en chantier de ce savoir.

Irons-nous jusqu’à l’écriture multiple et rassemblée pour attester ensemble ? »

extrait d’une lettre de relance rédigée à l’intention des stagiaires des stages nationaux en janvier 1995.

 

5            CONCLUSION

En guise de conclusion quelques questions de formation à la suite d’une dernière bribe de T.Nathan

 » Il est vrai que les tentatives de formulation de la fine homéostasie qui règle, dans le fait psychopathologique, les rapports entre psyché et culture furent toujours l’œuvre de penseurs solitaires et non d’écoles » (Freud, Röheim, Devereux) ; peut-on encore se percevoir double si l’on accepte d’être membre d’un groupe ? »

Ceci, de notre point de vue, interpelle une autre articulation, un autre retournement (socio/social, socio-cognitivo /sociétal ?) à l’œuvre dans les métiers de la relation et en particulier dans l’enseignement:

Comment interfèrent le sentiment d’appartenance au corps enseignant et la conscience de soi en train d’enseigner ?

Les habitudes, mœurs, coutumes du corps enseignant ne sont-elles pas des écrans à la conscience de soi en action ?

Le sentiment d’appartenance doit-il être plus fort que la conscience singulière du soi professionnel ?

Nous posons que le conflit entre l’autonomie et l’hétéronomie professionnelles est ici très sensible et peut-être modélisant des rapports d’autorité au sein de l’institution scolaire : peut-on être singulier pour enseigner ?

Comment revendiquer son propre chemin avant de pouvoir en inviter d’autres à passer de l’in-connu au su ?

Qu’est-ce qui devrait se construire en formation d’enseignant afin de permettre à chacun d’élaborer une expertise singulière identifiable par tous ? »

Autant de chantiers pour l’école du XXI°siècle [xii] qu’il nous reste à initier.

 

 

NOTES


[i] « La référence à l’expérience subjective » Pierre VERMERSCH, CNRS, GREX, Alter (revue phénoménologique) N°5 de1997. www.es-conseil.fr/GREX/textes

[ii] : idem note 1

[iii] : « Avez-vous lu Jean-Claude PIGUET ? », P. VERMERSCH, revue du GREX, « expliciter » N°13 ,

www.es-conseil.fr/GREX/textes

[iv] : idem note 3

[v] : »A quoi pensent les chercheurs quand ils pensent aux enseignants ? », François V.TOCHON, revue française de pédagogie, N° 99, avril-mai-juin 1992, p 89 à p 113.

[vi] : « Education physique et enseignement spécialisé », P.NAGEL et JM PARAGOT journées d’études de l’adaptation et de l’intégration scolaires, Beaumont/Oise, 1984.

[vii] : »Psychanalyse païenne », Tobie NATHAN, éditions Odile JACOB, 1995, Paris.

[viii] : Stage national « les enseignants en difficulté », Patrice NAGEL et JM PARAGOT, plan national de formation, IUFM des Batignolles, Paris, 1993.

[ix] : « Le corps dans le métier d’enseignant », JM PARAGOT, DEA formation / emploi, Université de Nancy 2, novembre 1991.

[x] : »Notice pour la formation », Jacques CAILLAUX et Jean-Marc PARAGOT, Colloque APRIEF, Paris / Sorbonne, avril 2000.

[xi] « Pour une utopie en chantier », Jean-Marc PARAGOT, Colloque AECSE, Strasbourg, janvier 1998.

[xii] « Charte pour bâtir l’école du XXI° siècle », recherche INRP, 1999 – 2002.

 

 

 

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