Historiquement, la notion de curriculum n’est pas un concept de la didactique : dans les pays anglo-saxons, on parle de curriculum pour désigner le parcours éducatif proposé aux apprenants, alors qu’en France on parle de cursus. Un curriculum, au sens commun, c’est un parcours (cf. curriculum vitae) et donc, dans le champ éducatif, c’est un parcours de formation.
Philippe PERRENOUD (1993) propose de distinguer trois niveaux :
Dans ce curriculum réel deux parties sont à distinguer :
Le concept de curriculum, importé des pays anglo-saxons et utilisé dans certains pays francophones (Québec, Belgique), situe un programme d’enseignement dans le contexte de sa mise en œuvre (De Landsheere, 1979 ; D’Hainaut, 1988). Plus récemment l’idée de matrice curriculaire (Lebeaume, 1999) envisage le curriculum dans son intégralité et l’inscrit dans une perspective dynamique. C’est une méthode permettant d’identifier les continuités, les ruptures, les relations entre les différents enseignements dans leur développement longitudinal (Fig. 2). Centrée sur la situation prototypique d’enseignement-apprentissage, elle est structurée par les relations établies entre la tâche proposée, le référent de cette tâche et la visée éducative. Ces éléments se déclinent alors aux différentes échelles curriculaires dont il convient de préciser la cohérence et les principes de progressivité.
Dans l’ouvrage Les didactiques des disciplines, un débat contemporain édité en 2001 au Québec, Philippe JONNAERT propose « une définition élargie de la didactique de la discipline : elle a pour objet l’étude des différents processus de médiation à propos d’un savoir pris dans sa globalité. En parallèle, elle s’intéresse aux processus de socioconstruction des connaissances par des apprenants à propos de ce savoir. Elle inscrit sa réflexion et ses objets de recherche dans un système didactique qui n’est pas réductible aux seules problématiques d’enseignement et d’apprentissage en contexte scolaire. »
Il suggère alors 3 axes de réflexion pour une reproblémisation des savoirs codifiés : un axe curriculaire, un axe socioconstructiviste et un axe épistémologique.
En ce qui concerne l’axe curriculaire, P.JONNAERT explique que « dans le cadre des développements curriculaires (des parcours de formation) inscrits dans des approches par compétences, il n’est plus pertinent de morceler les savoirs en petites unités. La reproblémisation des savoirs codifiés passe aussi par la contextualisation de ces savoirs dans des situations données. C’est dans ces dernières que les apprenants développent des compétences en utilisant parmi d’autres ressources ces savoirs codifiés. En contexte, le savoir devient l’un des éléments de la dynamique de construction des connaissances et des compétences par l’apprenant.
Les perspectives curriculaires actuelles sont socioconstructivistes. Le caractère « constructiviste » des nouveaux curriculums réduit la portée des savoirs codifiés dans les programmes.
La limite des connaissances est leur propre viabilité pour l’apprenant. Dans ce cas, ces connaissances sont pertinentes tant et aussi longtemps qu’elles sont viables en situation pour le sujet, c’est la viabilité cognitive. » Si ces connaissances ne sont plus viables en situation, le sujet les modifie pour être à nouveau opérationnel dans la nouvelle situation.
Olivier Rey, chargé d’études et de recherche à la veille scientifique et technologique à l’INRP (aujourd’hui IFE), propose son analyse dans un article intitulé « Contenus et programmes scolaires : comment lire les réformes curriculaires ? » publié dans « Dossier d’actualité de la VST » (avril 2010).
On comprend, au travers de son article, les changements importants que la loi de 2006 sur le socle commun de connaissances et de compétences a apportés dans le système éducatif français. Olivier Rey indique qu’ « en posant les enjeux à un niveau politique, en introduisant des concepts à résonance internationale et en soulevant immédiatement des interrogations sur l’ensemble du processus scolaire (matières, disciplines, parcours, supports, évaluations…), le socle commun a lancé une réflexion d’ensemble sur ce qu’il est convenu d’appeler le « curriculum ». C’est une nouvelle façon d’aborder la culture scolaire, qui propose une approche plus large (disciplines, objectifs d’enseignement, cursus, pédagogie, sociologie des savoirs…)
Les documents de la DGESCO (Direction générale de l’enseignement scolaire) notamment le Livret Personnel de Compétences de janvier 2011, stipule que le socle commun de connaissances et de compétences s’inscrit dans la logique des résolutions européennes sur l’orientation et la formation tout au long de la vie, donc dans une logique curriculaire.
En 2012, dans le cadre de la refondation de l’école, il a été question de refonder le socle commun afin de le rendre plus efficient et de faciliter sa mise en œuvre mais cette dimension du parcours de formation est réaffirmée.
« La loi d’orientation du 8 juillet 2013, en son article 13, pose le principe du socle commun: «La scolarité obligatoire doit garantir à chaque élève les moyens nécessaires à l’acquisition d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, auquel contribue l’ensemble des enseignements dispensés au cours de la scolarité. Le socle doit permettre la poursuite d’études, la construction d’un avenir personnel et professionnel et préparer à l’exercice de la citoyenneté. » Ce préambule introduit, en juin 2014, le projet de socle commun de connaissances, de compétences et de culture. L’ensemble de ce texte, élaboré par le Conseil Supérieur des Programmes, précise notamment « Les cinq domaines ne se déclinent pas séparément. Ils ne correspondent pas à de nouvelles disciplines qu’il serait possible d’appréhender distinctement les unes des autres, mais à de grands enjeux de formation. Chaque domaine de connaissances et de compétences requiert la contribution de toutes les disciplines et démarches éducatives, chaque discipline apporte sa contribution à tous les domaines. Il y a bien sûr des recouvrements et des correspondances d’un domaine à l’autre. Tous les domaines par exemple sollicitent les langages. »
A la lumière de ces articles, on constate que les réformes curriculaires, progressivement mises en place par le système éducatif français, en fonction des directives internationales, modifient la place des disciplines dans les enseignements et favorise le développement de la didactique curriculaire.
Les chercheurs Yves Girault, Jean Marc Lange, Cécile Fortin-Debart, Laurence Delalande Simonneaux et Joël Lebeaume (2006-2007) analysent les problèmes didactiques rencontrés par les enseignants.
En France, dans le cadre de la Stratégie nationale du développement durable, suite au discours du chef de l’État au Sommet du développement durable de Johannesburg (septembre 2002), un volet portant sur l’éducation met en place les grandes lignes stratégiques pour généraliser une éducation à l’environnement pour un développement durable (EEDD). Cet enseignement est obligatoire à l’école depuis 2004 mais l’absence de référentiel clair, les difficultés de mise en œuvre, la problématique des « questions vives » freinent l’application dans les classes de cette directive de l’institution.
Elle se heurte principalement, à un problème de formation et d’accompagnement des enseignants.
Comme l’indiquent les auteurs pré-cités, les modèles de formation classique apparaissent comme inadaptés au défi de la généralisation de l’EEDD. Ils proposent quatre ancrages (épistémologique, dans la didactique des questions socialement vives, curriculaire, psychopédagogique) pour un renouvellement de la formation des enseignants.
Dans ce nouveau contexte que constitue l’éducation à l’environnement pour le développement durable, c’est l’ensemble de la situation d’enseignement/apprentissage qui se trouve modifiée, tant par la nature des savoirs mobilisés (les questions vives) que par la tâche proposée (le débat) et la visée (approche globale, valeurs, échelles spatio-temporelles). Ces caractéristiques nouvelles nous conduisent à nous questionner sur :
• les compétences particulières à développer, les notions et les concepts à mobiliser et sur leur articulation, leur progressivité ;
• les apports respectifs des différentes disciplines mais aussi leurs limites ;
• l’influence des dispositifs éducatifs retenus et leur efficience ;
• les recompositions disciplinaires éventuellement provoquées.
Tout cela incite également à s’interroger sur la formation des enseignants vis à-vis de ces sujets. Mais celle-ci ne peut être pensée sans prendre en compte leur identité professionnelle (Perrenoud, 2003 ; Lange, 2004).
Ainsi que l’indiquent, Cédric Flickiger et Daniel Barth, l’introduction du B2i en 2000, puis sa généralisation en 2006 s’inscrivent dans un contexte de remise en cause importante de la place même des disciplines scolaires et des contenus disciplinaires. L’apparition d’objets d’enseignement tels que les « éducations à… » (e.g. à la santé, au développement durable, à la citoyenneté etc.) (Audigier, 2012), le Socle commun ou la multiplication de dispositifs (Cauterman &Daunay, 2010) non strictement indexés aux disciplines scolaires et prenant place aux côté des disciplines, marquent ainsi les évolutions curriculaires actuelles et modifient la tâche des enseignants.
En constituant ce dossier et au cours des dernières semaines de formation, nous avons pris conscience de l’importance du concept de didactique curriculaire qui irrigue une grande partie de l’évolution actuelle du système éducatif français mais qui laisse en suspens des questions au niveau de la mise en œuvre réelle dans les établissements scolaires et en particulier dans le domaine de la formation des enseignants, initiale et continue. Ce sont eux qui rendront efficientes ces transformations, ces « manières différentes de faire la classe ».
BIBLIOGRAPHIE
Bibliographie réalisée conformément à la 6e édition de la norme APA
Fluckiger C., Bart D. (2012) Des usages des TIC à la certification des compétences numériques : quels processus de formation et de validation ? L’introduction du B2i à l’école primaire : évaluer des compétences hors d’une discipline d’enseignement ? Questions Vives Vol.7,17.
Girault Y., Lange J.M., Fortin-Debart C., Delalande Simonneaux L., Lebeaume J.(2006-2007) La formation des enseignants dans le cadre de l’éducation à l’environnement pour un développement durable : problèmes didactiques, dans revue Education relative à l’environnement : Regards – Recherches – Réflexions, vol.6, consulté en ligne
http://www.revue-ere.uqam.ca/PDF/Volume6/07_Girault_Y_et_al.pdf
Jonnaert P.,(2001) Un recadrage des didactiques contemporaines des disciplines, dans Jonnaert P., Laurin S Les didactiques des disciplines, un débat contemporain, collection Education et recherche ; presses de l’Université du Québec
Lange J.-M., Victor P,. (2006) Didactique curriculaire et « éducation à… la santé, l’environnement et au développement durable » : quelles questions, quels repères ? Didaskalia , 28.
Rey O. (2010). « Contenus et programmes scolaires : comment lire les réformes curriculaires ? ». Dossier d’actualité de la VST, 53, avril. En ligne : <http://www.inrp.fr/vst/LettreVST/53-avril-2010.php>.
Perrenoud P.(1993) Curriculum : le formel, le réel, le caché In Houssaye, J. (dir.) La pédagogie : une encyclopédie pour aujourd’hui, Paris, ESF, 1993, 61-76. En ligne : http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1993/1993_21.html
Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Didactique consulté en ligne le 8/12/2014
Conseil Supérieur des Programmes, (2014) Projet de socle commun de connaissances de compétences et de culture, http://cache.media.education.gouv.fr/file/Organismes/47/7/CSP_-_Projet_de_socle_commun_de_connaissances,_de_competences_et_de_culture_334477.pdf
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