Parcours Innovation Développement professionnel – Didactique professionnelle

Des recherches en didactiques

Auteur
Séverine Carubba
RESUME

La didactique professionnelle repose sur l’analyse du travail et le développement de compétences. L’analyse de la pratique professionnelle est importante dans notre formation, elle permet de l’améliorer. La didactique professionnelle est la rencontre de plusieurs champs théoriques et pratiques : l’ergonomie cognitive, la didactique, l’enseignement professionnel et la psychologie du développement (P. Pastré, 2006). Nous allons nous intéresser dans cet écrit au concept pragmatique de P. Pastré. En effet selon ce dernier, le concept pragmatique nous permet de diagnostiquer les situations dans lesquelles nous nous trouvons et donc d’organiser nos actions. Cela fait également partie du courant de la conceptualisation de l’action.

En effet, dans une situation, nous rencontrons « des acteurs, des enjeux, des obstacles, des moyens, des outils ». Une situation est également un ensemble d’interactions entre les acteurs qui lui donnent, comme l’expose P. Pastré, une dimension « Dramatique ».

La conceptualisation de l’action vient de la théorie de G. Vergnaud. « Ses recherches concernent le repérage des compétences complexes qui apparaissent dans les activités quotidiennes, dans le travail et dans l’éducation ». Il reprend la notion de « schème » de Piaget et l’articule à la notion de situation. Pour G. Vergnaud, le Schème permet en effet de montrer en quoi une activité est organisée. Nos schèmes s’adaptent à des situations. Les compétences résultent des formes d’organisation de ces activités, c’est-à-dire des schèmes.

P. Pastré reprend la théorie de G. Vergnaud relative au fonctionnement de l’adulte dans le travail. Il développe le concept pragmatique : c’est-à-dire faire le lien entre l’activité faite réellement par les personnes et celles prescrites par ces dernières (voir figure 1). J’ai essayé de modéliser ce concept de cette façon :


P. Pastré part des résultats d’une de ses recherches pour élaborer le concept pragmatique. Cette recherche concerne la conduite de presses à injecter en plasturgie par des ouvriers spécialisés (P. Pastré, 1992). Le concept peut être résumé comme suit : le concept pragmatique est l’élément essentiel de l’organisation de l’action. Il nous permet de diagnostiquer la situation en vue de l’action efficace. P. Pastré fait également l’analogie entre les concepts pragmatiques et les concepts quotidiens de Vygotski. Pour Vygotski les concepts quotidiens sont connus dans des situations concrètes.

Le concept est une représentation intellectuelle : il ne suffit pas de la transmission du savoir par le maître ou d’un ancien pour posséder un concept. On en vient à la représentation des élèves en classe. Ce que transmet un maître à ses élèves n’est qu’une représentation. Pour que les élèves aient leurs propres représentations et que cela devienne un concept, ils doivent passer par une activité constructive. Voici alors une autre proposition de modélisation du concept (voir figure 2).

 

 

Mais ce qui cette fois distingue les concepts pragmatiques des concepts quotidiens de Vygotski, est pour P. Pastré, le fait qu’un concept pragmatique est propre à une situation professionnelle. Cela se rapproche finalement donc davantage des travaux de G. Vergnaud. Nous retrouvons la notion de situation qui est donc propre à chaque activité professionnelle.

Mais le concept pragmatique est-il différent pour chaque activité professionnelle ou est-ce une démarche commune à chaque personne exerçant une profession ?

Dans le cadre de notre profession d’enseignant, cela correspondrait aux situations –problèmes, c’est-à-dire aux situations qui demandent de résoudre des interrogations, tant sur le plan de la gestion de classe que pour les apprentissages. Nous pouvons essayer d’appliquer la théorie de P. Pastré à l’enseignement. En effet l’analyse du travail en didactique professionnelle prend une place importante dans notre métier, car nous sommes sans cesse en train de repenser nos journées ou notre façon d’enseigner. Nous sommes les acteurs en interaction constante avec nos élèves. Bien évidemment lorsque nous entrons dans le métier, nous n’avons que les représentations des personnes qui nous ont formées. Il y a en effet deux couples énoncés par P. Pastré à prendre en compte : le couple situation-activité et le couple situation-problème. Cela rentre parfaitement dans notre cadre professionnel.

En premier lieu, nous analysons la situation et établissons un diagnostic qui correspond à ce que les élèves savent a priori. Ensuite, nous instaurons une activité qui va dépendre de l’analyse faite au préalable et des règles que nous impose le métier. L’activité proposée comprend une ou des situations-problèmes à résoudre pour arriver au résultat escompté, à savoir l’objectif de la séance effectuée en classe. Chaque enseignant a donc des stratégies pour résoudre ces situations qui comportent différentes variables : l’attention des élèves, les outils utilisés, la pédagogie employée etc.

Il y a donc par la suite, l’analyse de l’activité. Car nous le savons, il y a toujours une différence entre l’activité prescrite (celle que nous mettons en général sur papier) et que nous pensons, et l’activité réellement menée. Lorsque la situation est analyseé, l’enseignant arrive facilement à apporter des modifications dans les stratégies qu’il emploie. Mais lorsque la conceptualisation de la situation n’est pas fixée, les enseignants sont en difficultés et l’analyse de travail est par conséquent importante. En effet le concept pragmatique est un concept qui recherche l’efficacité, d’où l’action efficace à mener pour arriver à son but. Nous sommes donc, comme le dit P. Pastré, les opérateurs, car nous opérons en vue d’une action efficace, mais avec une certaine liberté pédagogique.

Arrive ensuite l’analyse de la situation suivant celle de l’activité. On évalue la situation et on reprend finalement notre pratique. Cela nous permet de nous poser les questions : Sommes-nous les organisateurs de notre action ? Le concept pragmatique est-il présent ?

L’idée de conceptualisation pragmatique est difficile car elle demande une pratique réflexive intense. Il est vrai que lorsque nous arrivons pour la première fois dans une classe et que nous nous retrouvons face à des élèves, l’apprentissage du métier tel qu’il est vraiment se fait par la pratique et au-fur-et-à-mesure. Nous construisons notre concept et notre identité professionnelle par la suite, avec l’expérience acquise par la pratique. Même si le concept pragmatique peut s’adapter à plusieurs champs professionnels, il reste propre à chacun. Chaque professionnel possède son propre concept, et donc ses propres analyses et stratégies pour résoudre des situations. Cependant, il serait intéressant de travailler la didactique professionnelle dès la formation des professeurs des écoles.

La conceptualisation s’effectue par ailleurs grâce aux erreurs commises. Il n’est pas pensable que dans notre métier, nous puissions dire que nous ne commettons plus d’erreurs avec l’expérience. En effet le public est différent d’une année à une autre et cela implique des changements de situations, d’activités et donc de stratégies. Et nous pouvons toujours commettre d’autres erreurs. Mais les erreurs sont plus importantes chez les novices, d’où l’importance de revenir sur celles-ci. Bien que les situations soient différentes, qu’elles aient leurs propres caractéristiques et que nous ne fassions jamais la même chose d’une journée à une autre, l’analyse de travail et surtout des erreurs permettent de mieux maîtriser les situations.

Pour conclure, nous pouvons dire qu’il faut analyser nos situations pour pouvoir comprendre nos activités et donc ce que l’on fait, et pourquoi on le fait. En accord avec P. Pastré, le fait est que « le couple situation-activité est le noyau théorique central autour duquel s’organise notre analyse ». Car concrètement, nous analysons les situations que nous vivons, les activités que nous mettons en place et nous revenons sur notre pratique à chaque fin de journée. Nous pourrions ne pas le faire, mais il y a une part de conscience professionnelle dans la conceptualisation. Il existe une part de responsabilité et de volonté de la part de l’acteur de revenir sur sa pratique. Cette démarche d’analyse s’ancre finalement dans l’histoire de chacun.


Bibliographie conforme à la norme APA.

Leplat, J. (2004). Recherches en didactique professionnelle de Samurçay et Pastré , Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé [En ligne], 6-2 | 2004, mis en ligne le 01 novembre 2004, consulté le 12 octobre 2014.
URL : http://pistes.revues.org/3259

Pastré, P. (2002). « L’analyse du travail en didactique professionnelle », in Revue française de pédagogie, volume 138, 2002. Recherches sur les pratiques d’enseignement et de formation. pp. 9-17.

Pastré, P., Mayen, P. et Vergnaud, G. (2006), « La didactique professionnelle », in Revue     française de pédagogie, volume 154, 2006.

Vinatier, I. (2009). Pour une didactique professionnelle de l’enseignement. Rennes: Presses universitaires de Rennes.