« Moi, je fais pas comme vous dites. C’est plus facile pour moi de rien dire. Je regarde ce que font les autres et je fais comme eux »
Je dois être sensible pour être ému à ce point en entendant Janina dire ça au conseil. En pleine discussion sur la conduite à tenir lorsque les élèves d’ULIS sont dans leur classe, cette affirmation est pour moi comme un cadeau. C’est pas tous les jours. C’est que je vise, ce que je leur souhaite, ce que je veux stimuler, cette réflexivité. Janina pose des mots précis, simples, sur comment elle s’y prend. Entre une logique d’économie psychique – ce qui est coûteux ou moins coûteux pour elle à un moment donné – et une logique d’apprentissage, il existe une tension ou un télescopage.
Janina est un cas particulier. En France depuis cinq ans, le niveau de vocabulaire est encore faible. Le sens de mots parfois simples lui est obscur. Mais elle est vive, comprend des tas de trucs mais n’investit pas tellement les activités scolaires, trop d’ennui, de répétition et les progrès sont tellement infimes par rapport à l’effort effarant que ça demande.
Belle, gaie, diserte, sociable, à l’aise, elle séduit son monde sur un fond de manque de confiance en soi profond. En classe, face à une activité son miroir aux alouettes se ternit, elle se cache dans ses cheveux, fait des mines et puis une grimace, une lassitude signent l’entrée dans l’effort, car elle s’y met Janina, elle sait confusément que l’issue est là. Sa volonté sourd, vacillante, sincère. On l’aide, on la soutient dans cette force qui prend de la consistance, irrégulièrement, sporadiquement. C’est difficile.
« Moi, je fais pas comme vous dites. » Sa remarque vient en réponse à un échange sur la conduite à tenir quand les élèves sont dans leur classe. Ces échanges sonnaient faux finalement. Je demandais aux élèves ce qu’il fallait faire. Dociles, ils ânonnaient ce que je leur ai répété cent fois : Quand on ne comprend pas quelque chose, on lève la main devant tous. On formule une question à peu près correcte, compréhensible.
Janina nous rappelle que c’est pas simple et nous renvoie à la complexité des situations.
L’élève d’ULIS débarque dans sa classe. Il est là, il est pas là. Alors quand il est là, il se fait tout petit et prend le train en marche de l’histoire de cette classe, la sienne en pointillée. Ce jeu d’absences/présences rajoute de la difficulté.
A entendre Janina, je me rappelle alors le rôle primordial des profs de la classe qui doivent avoir cette attention particulière à l’élève d’ULIS, cet accueil bienveillant tout autant que discret, pour l’aider à profiter au mieux de la séance.
A compléter par une courte biographie d’Alexis GERARD, coordonateur d’ULIS
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