Contexte d’émergence :
Dispositif de formation au Programme National de Formation des personnels de l’éducation nationale (1992, 1993) qui aide à l’analyse des situations professionnelles difficiles pour les personnels confrontés à l’échec scolaire.
Le travail du « mille feuilles » consiste à produire d’abord un écrit très personnel, sensible, narratif dans lequel l’implication et la présence de l’auteur sont palpables. Puis une seconde activité commence. Un peu comme une indexation sous forme de reprises d’éléments significatifs, importants ou énigmatiques à la lecture. Le lecteur interroge, enquête sur sa propre écriture pour la saisir au-delà de la surface initiale des mots. Enfin c’est le temps des liens entre les deux niveaux précédents et les savoirs élaborés par d’autres[1]. Certains parlent d’adossement aux savoirs savants d’autres de liens entre la Théorie et la Pratique. Ce travail permet d’installer des savoirs de la pratique, de l’expérience, en vue de traquer ce qui se cache dans l’agir professionnel et ainsi envisager une conceptualisation audible, partageable et momentanée.
« Revenons à l’image du « mille feuilles composite » qui illustre notre parti-pris d’auteur.
Des strates de natures différentes, superposées, construites indépendamment sont la forme du gâteau. Chaque élément est repérable et appréciable en soi : le biscuit un peu détrempé rappelle qu’il y a aussi de la crème et la crème sur les doigts montre qu’elle ne se contient pas toute seule, pas tout à fait.
L’ensemble mérite une stratégie pour savourer les nuances subtiles avec toujours présent le risque d’en faire tomber, de ne pas manger proprement. Des pauses s’imposent et la contemplation du reste est indispensable.
C’est une image-méthode que nous utilisons aussi pour aider les stagiaires à passer de l’écriture impliquée, subjective à un énoncé plus distancié, moins implicite puis à un écrit professionnel étayé par des éléments théorisés par eux-mêmes ou par d’autres. La superposition des traces closes en elles-mêmes permet de percevoir des liens, des ruptures, des lignes de force, du sens.
Cette méthode engage d’emblée le sujet dans un processus qui repose sur l’existence d’une matière disponible. D’abord Soi puis les mots de soi sur soi, ensuite des mots pour l’Autre, les Autres et enfin, des pensées pour tous, des savoirs de quelques-uns. Faire le pari que chaque fois il est possible d’agir, d’écrire, de penser est pour moi, un engagement déontologique. »
Paragot, Jean-marc. (2014). Parcours d’un responsable en formation ; du métier vers la profession. Editions L’Harmattan. ID/Emergences, cheminements et construction de savoirs. Paris. Pages 25 et 27.
[1] Regards croisés, Idéki 2023
ideki.org est un espace numérique d’intelligence collective mettant en réseau des professionnels, des enseignants et des étudiants issus de domaines variés, préoccupés par les questions de l’identité professionnelle, de l’évolution des pratiques professionnelles et universitaires dans la relation aux Savoirs.