Parcours Innovation Développement professionnel – Didactique disciplinaire

Des recherches en didactiques

Auteur
Christelle Picard
RESUME
Sujet : à partir d’un concept et de vous premières recherches en didactique, approfondir la question. Produire un écrit de 4 à 6 pages qui comprenne :
–          une caractérisation actuelle du concept à partir d’une combinaison de sources faisant autorité
–          un point de vue réfléchi sur l’intérêt du concept par rapport à un usage professionnel actuel
–          un ou deux exemples à la clé pouvant illustrer la signification du concept dans son lien à la réalité professionnelle
–          la bibliographie en norme APA.

 

Définitions

Une discipline est une branche de la connaissance pouvant être enseignée et c’est dans ce cadre que la didactique apporte les bases d’enseignement d’une discipline. Si on précise ce terme en ajoutant l’adjectif scolaire, il faut également préciser la définition. Une discipline scolaire est définie en fonction de sa matrice disciplinaire ( les objets à enseigner ), de ses finalités, de ses tâches, de son fonctionnement institutionnel, du poids qu’on lui accorde et en fonction des méthodes de transmission des savoirs déclaratifs ou procéduraux.

Dans le dictionnaire conçu par F. Raynal et A. Rieunier (1997), on retrouve deux acceptions du mot didactique qui semble difficile à définir précisément.

En effet, si l’on se réfère à l’acception commune du sens du mot didactique – utilisation de techniques et de méthodes d’enseignement propres à chaque discipline -, on peut comprendre que les techniques retenues sont différentes d’une discipline à l’autre puisqu’elles dépendent directement du contenu à enseigner.

Et si l’on s’appuie sur une acception plus moderne, la didactique est un champ scientifique ayant un ensemble de notions, de concepts et de théories qui articule des problématiques entre un savoir, une instance enseignante et une instance apprenante.  Elle s’élabore donc autour de trois types de réflexion :

  • la réflexion épistémologique qui étudie  l’évolution des savoirs et des contenus
  • la réflexion praxéologique qui met en avant l’intervention didactique en classe
  • la réflexion psychologique qui s’intéresse à la part active du sujet apprenant.

La réflexion épistémologique justifie donc le terme de didactique disciplinaire, chaque discipline ayant ses savoirs spécifiques.

Yves Reuter (2007, p.69) précise que c’est la focalisation sur les contenus et sur leurs relations à l’enseignement et aux apprentissages qui spécifie les didactiques . Ce qui est repris par Philippe Meirieu sur son site* : Si les didactiques se donnent pour objectif de concevoir des situations d’apprentissage, elles ne peuvent pas accepter que l’on ampute cette conception de l’une des composantes essentielles de toute situation d’apprentissage : les spécificités épistémologiques des savoirs disciplinaires . Et il précise que Selon les disciplines et en fonction de l’histoire de chacune des didactiques – qui se sont longtemps très largement ignorées les unes les autres -, on insistera plutôt sur tel ou tel concept, on développera plutôt telle ou telle dimension , tel ou tel axe de réflexion.

Mais il faut faire attention. Michel Develay (1995) relevait avec ses contemporains «la nécessaire prise de conscience de distinguer la discipline de référence de la discipline enseignée et de la professionnalité qu’elle exige pour permettre cet acte d’enseignement et d’apprentissage.»

Une didactique pour chaque discipline ?

Au début, ce sont des spécialistes de chacune des disciplines qui initient les recherches en didactique. On peut citer par exemple Yves Chevallard en mathématiques, Jean-Paul Bronckart en français, Laurence Viennot en sciences expérimentales…

Les didactiques disciplinaires concernent l’art ou la manière d’enseigner les notions propres à chaque discipline. Elles sont historiquement liées à l’apparition de nouveaux savoirs ou de nouveaux enseignements. L’élaboration didactique reflète les discussions théoriques sur les contenus disciplinaires, prolonge et recoupe l’histoire des disciplines

L’histoire de la didactique montre que la réflexion s’est déployée de façon inégale et selon des rythmes différents d’une discipline à l’autre. Pendant toute la première moitié du XXème siècle, le terme de didactique a plutôt une connotation péjorative puis cette acception évolue peu à peu. C’est ce qu’explique P. Sarremejane (2001)  et qu’il précise ensuite. Deux conceptions de la didactique se présentent alors :

–          l’une prend en compte l’apprenant, le contenu, la méthode

–          l’autre ne retient que le contenu et croit que la didactique ne s’élabore qu’en fonction de la discipline.

L’émergence de cette didactique concernant chaque discipline repose sur l’idée que les contenus disciplinaires et leurs traitements par les apprenants sont propres à chaque discipline.

Regardons plus attentivement la didactique de quelques disciplines.

 

La didactique du français

Cette didactique apparaît dans les années 70. Bien évidemment , des recherches étaient menées auparavant dans cette discipline  mais pas sous son terme de didactique. La didactique émerge en réponse à la massification de l’enseignement et l’on se demande alors comment on fait pour enseigner à ce nouveau  public. La didactique du français regroupe plusieurs domaines comme la grammaire, la lecture apprentissage, la lecture littéraire, l’écriture romancée… et elle se pose donc la question de la part que doit avoir chacun de ces domaines dans l’enseignement  du français. Ces domaines du français se recoupent dans des différents champs comme la phonétique, la morphosyntaxe… La didactique s’intéresse aux contenus à enseigner en fonction de ces domaines et de ces champs.

La didactique du français ne s’est reconnue comme une discipline scientifique autonome que dans les années 1990. Elle menait bien évidemment des recherches auparavant, mais sous d’autres noms comme la linguistique ou la théorie littéraire. Aujourd’hui, la didactique du français interroge de nombreux domaines, ce qui en fait un champ très dense :

–           la part respective des différentes disciplines de la matière français

–           les contenus traités dans chacune de ces disciplines

–          la nature des contenus

–          la part respective des éléments du triangle didactique

–          les méthodologies mises en œuvre ..

On peut comprendre qu’en fait, la didactique du français articule ensemble des champs didactiques variés comme la didactique de l’écriture, la didactique de la grammaire ou encore celle de la communication.

En effet, si l’on veut faire produire un écrit de type narratif à des élèves de cycle 3, il va falloir qu’on interroge plusieurs domaines pour mener à bien cette production : typologie de textes, énonciation, respect de la grammaire de phrase, support d’écriture. Cet acte très complexe montre bien toute la difficulté de la didactique du français.

Dans l’ouvrage dirigé par J. Houssaye (1993), la linguiste D. Manesse (1993) dit du français que c’est une discipline sans frontière, éclatée entre divers domaines d’apprentissages. Ce qui rend la didactique du français très complexe.

La didactique des langues étrangères

Ce paragraphe s’appuie sur un entretien avec Louise Dabène (1991), responsable du Centre de didactique des langues et de la revue LIDIL. Elle explique que chaque discipline a sa propre didactique car chacune obéit à des processus propres d’acquisition. Pour les langues, les savoirs de référence sont multiples : linguistique, sociologie, théorie de la communication… Les pratiques sociales ont une grande répercussion sur l’objet langue.

Historiquement, après l’essai infructueux  des méthodes globalistes d’enseignement des langues étrangères, les didacticiens des langues ont développé deux courants : le courant cognitiviste et le courant mettant en avant la communication (actes de parole), courant sur lequel s’appuient de nombreuses méthodes aujourd’hui.

La didactique des mathématiques

Elle était qualifiée par Gérard Vergnaud (1985) de « discipline qui étudie les processus de transmission et d’acquisition relatifs au domaine spécifique de cette discipline ou des sciences voisines avec lesquelles elle interagit. »

Guy Brousseau (1986) en dit que c’est une « science s’intéressant à la production et à la communication des connaissances mathématiques dans ce que cette production et cette communication ont de spécifique de ces connaissances. » Dans les années 80, il développe une de ses grandes idées en didactique mathématique : la théorie des situations, ce qui a permis deux grands types d’innovation que sont les situations-problèmes et les problèmes ouverts.

La didactique de la technologie

Jean-Louis Martinand (1981), professeur de didactique et formateur d’enseignants en physique, chimie et technologie, explique une des spécificités de cette didactique. Pour construire des savoirs en technologie, il faut que l’enseignant fasse un choix concernant le domaine d’activité technique et un choix de concept technologique. Or le souci principal est que les situations de classes soient le plus proches possibles du terrain, ce qu’il appelle les pratiques de référence. Les pratiques évoluant, il faut sans cesse se poser la question de la référence.

Prenons un cas concret : j’ai construit, il y a une petite vingtaine d’années maintenant, une progression concernant l’utilisation d’un magnétophone à cassettes. Et je dois dire, qu’à l’époque, je ne pouvais pas forcément anticiper le fait que mes élèves de 5 ans n’auraient finalement aucune utilité de cet enseignement !

 

Une autre sorte de didactique ?

Nous voyons bien par ces quelques exemples non-exhaustifs que la didactique est un champ qui s’applique à une discipline mais surtout que c’est un champ en perpétuel mouvement.
Des rapprochements ont eu lieu avec les sciences de l’éducation, favorisés par l’existence de structures comme l’Institut national de recherche pédagogique (INRP) et la création des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). C’est ainsi que des physiciens, des biologistes et autres spécialistes ont pu devenir enseignants-chercheurs en sciences de l’éducation, tout en menant des travaux de didactique dans leur discipline.

De grands concepts didactiques sont issus de la didactique des sciences expérimentales : transposition didactique, trame conceptuelle,..Bachelard a travaillé plus particulièrement sur la représentation des élèves. Les nouvelles connaissances enseignées ne sont pas intégrées par les élèves car ils ont des représentations antérieures à cet enseignement et ce sont ces représentations qu’il va falloir faire évoluer pour qu’il y ait réellement apprentissage. Bien que cette réflexion soit issue de la didactique des sciences expérimentales, on comprend bien qu’elle peut s’appliquer à toute situation d’enseignement/apprentissage. Un enfant ne pourra écrire correctement le groupe « un arbre » que lorsqu’on lui aura montré et qu’on lui aura parlé de liaison puisque jusque-là, il entendait « un nabre ».

La didactique de la biologie a pour finalité de faire acquérir les méthodes propres à la démarche scientifique, par exemple, que la réflexion didactique d’aujourd’hui reprend en voulant faire en sorte que les élèves désirent se lancer dans de nouvelles recherches, qu’ils soient critiques à l’égard des résultats acquis. L’élève de cycle 3, à qui on fournit deux cartes de France – l’une avec la répartition de la population, l’autre avec les grands axes de transport- doit pouvoir se lancer dans la comparaison de ces deux cartes afin d’établir la corrélation de l’une par rapport à l’autre.

Aujourd’hui, les recherches peuvent s’organiser autour des concepts fondamentaux, issus pour beaucoup de la didactique des mathématiques : représentation des apprenants, niveau de formulation, transposition didactique, objectif-obstacle, contrat didactique.

D’après Jonnaert et Laurin, des arguments militent en faveur d’une didactique générale : la didactique d’une discipline n’est pas cette discipline, les didactiques spécialisées ne sont pas toutes disciplinaires, la didactique se pose en rapport à toute situation pédagogique et une situation  pédagogique n’existe pas que dans le cadre de l’école.  Mais une didactique générale n’empêche pas l’existence des didactiques disciplinaires, ni celle de didactiques spécialisées (didactique de l’éducation à l’adulte).

C’est dans ce cadre que peut intervenir le concept de « conscience disciplinaire » proposé par Y. Reuter (2007). Il a pu noter que nombre d’élèves ne parvenaient pas à raccrocher des enseignements à leur discipline et pour cause : de plus en plus d’enseignements sont multidisciplinaires ou transversaux.

Les questions de didactique disciplinaire ou de didactique non disciplinaire ou de didactiques s’appuyant sur des disciplines sont encore aujourd’hui largement débattues. Un ouvrage très récent de B. Daunay, C. Fluckiger et R. Hassan (2015) synthétise les dernières études relatant ces relations didactique-discipline. Cet ouvrage recense les apports actuels de l’équipe Théodile-CIREL et met en avant les discussions autour de ces axes. Les auteurs articulent ce recueil en trois parties :

–          « Des contenus disciplinaire spécifiques » dans laquelle on trouve les exemples de la dissertation ou de la communication verbale en EPS

–          « dimensions transversales aux disciplines scolaires et aux didactiques » dans laquelle les recherches s’orientent vers les évaluations PISA ou le B2i

Prenons l’exemple de l’introduction du B2i – Brevet informatique et internet – dont la mise en œuvre est détaillée par les Instructions Officielles parues au BO du 19 juin 2008. C. Fluckiger et D. Bart (2012) s’interrogent sur le fait de définir des contenus d’enseignement en dehors du cadre d’une discipline scolaire. Des questions de didactique spécifiques se posent : à quel niveau de maîtrise estime-t-on qu’une compétence est acquise, faut-il évaluer le processus ou le résultat, comment évaluer une compétence issue du B2i au cours de l’enseignement d’une autre discipline… De plus, non seulement le numérique n’est pas une discipline à proprement parler mais en plus c’est un outil au service des autres disciplines. Le rapport des enseignants et des élèves face à un outil est donc différent.

–          et enfin, « Questions de méthode » qui s’intéresse à la façon dont les contenus sont décrits et reconstruits en fonction des espaces et des matériaux analysés.

Nous comprenons ainsi que l’évolution des enseignements et apprentissages engendrent forcément de nouvelles réflexions dans le champ de la didactique et des didactiques qui cherchent à être au plus près de ces évolutions.

 

En conclusion

Je pense qu’il y a effectivement beaucoup à gagner à regarder ce qui se passe dans les diverses didactiques pour trouver des points de ressemblances comme cela l’a déjà été fait s’agissant de concepts importants comme le contrat didactique. Si c’est un point qui se retrouve, sous une forme ou sous une autre, dans de nombreuses didactiques, c’est que c’est un paramètre essentiel à prendre en compte lors d’une situation d’enseignement/apprentissage.

Si je reprends l’exemple du contrat didactique, on imagine bien que quelque soit la discipline, quelque soit le savoir à enseigner/à apprendre, quelque soit le contexte, le formateur a des attentes sur son apprenant et l’apprenant a des attentes sur son formateur en lien avec le savoir à transmettre. Un apprenti-boulanger attend que son formateur ait des compétences en matière de fabrication du pain tout autant que le boulanger espère bien qu’il aura un apprenti motivé puisqu’il est dans cette voie d’apprentissage.

 

Mais je pense aussi que la didactique disciplinaire maîtrise le mieux le sujet dont elle parle car elle a suivi son histoire et qu’elle a un champ de recherche limité qui peut donc être plus précis. On pourrait même aller plus en profondeur en découpant les disciplines en sous-ensembles : vers une didactique des nombres décimaux, par exemple ?

Ainsi, pour conclure, les rapports enseignant/apprenant/savoir ont des lignes communes qu’ont mis en évidence les didacticiens à partir d’une discipline particulière et qu’ils ont pu ensuite généraliser.

Notre métier d’enseignant de premier degré nous demande d’être polyvalent, d’être pédagogue pour toutes les matières qui sont à enseigner à l’école et de maîtriser également l’interdisciplinarité : en cela, nous pouvons remercier les didacticiens plus généralistes.

Mais chaque situation, chaque savoir est différent ce qui rend légitime une didactique plus fine. Nous avons besoin également de comprendre les processus d’apprentissage, les rapports particuliers face à un savoir spécifique, les blocages, parfois très difficiles à déceler, de nos élèves-apprenants. En cela, il faut que les didacticiens disciplinaires poursuivent leurs recherches.

 

 

*sur le site de Philippe Meirieu

 

Bibliographie

Bibliographie réalisée conformément à la 6e édition de la norme APA

 

Astolfi, J.-P. (1978). Quelle éducation scientifique pour quelle société. Paris: Presses Universitaires de France.

Cornu, L., & Vergnioux, A. (1992). La didactique en questions. Paris: Centre National de Documentation Pédagogique.

Daunay, B., Fluckiger, C. & Hassan, R. (2015). Les contenus d’enseignement et d’apprentissage : Approches didactiques. Presses universitaires de Bordeaux.

Develay, M. (1995). Savoirs scolaires et didactiques des disciplines: Une encyclopédie pour aujourd’hui. Paris: ESF.

Fluckiger, C., & Bart, D. (2012). L’introduction du B2i à l’école primaire : évaluer des compétences hors d’une discipline d’enseignement ? », Questions Vives [En ligne], Vol.7 n°17 | 2012, mis en ligne le 15 octobre 2012, consulté le 21 mars 2015

URL : http://questionsvives.revues.org/1006 ; DOI : 10.4000/questionsvives.1006

Houssaye, J. (1993). La pédagogie, une encyclopédie pour aujourd’hui. Paris: ESF éd

In Association pour le développement d’auxiliaires pédagogiques et de technologies d’enseignement (France). (1991). Approche de la didactique. (L’Université syndicaliste, 258.) Paris: ADAPT-SNES.

Meirieu, P. La didactique. En ligne sur le site Site de Philippe Meirieu. Histoire et actualité de la pédagogie.

http://www.meirieu.com/

Provencher, P., Laurin, S., & Jonnaert, P. (2001). Les didactiques des disciplines: Un débat contemporain. Sainte-Foy [Que.: Presses de l’Université du Québec.

Raynal, F., & Rieunier, A. (1997). Pédagogie : dictionnaire des concepts-clés. Apprentissages, formation et psychologie cognitive. Paris : ESF.

Reuter, Y. (2007). La conscience disciplinaire, Éducation et didactique [En ligne], vol 1 – n°2 | septembre 2007, mis en ligne le 01 septembre 2009, consulté le 21 mars 2015.

URL : http://educationdidactique.revues.org/175

Reuter, Y., & Cohen-Azria, C. (2007). Dictionnaire des concepts fondamentaux des didactiques. Bruxelles: De Boeck.

Sarremejane, P. (2001). Histoire des didactiques disciplinaires, 1960-1995. Paris ; Montréal:  L’Harmattan.

Sarremejane, P. (2008). Faire l’histoire des théories pédagogiques et didactiques: Approche historiographique. Paris: L’Harmattan.