Pourquoi un projet artistique pluridisciplinaire

CONTENU DE LA BREVE

[Texte destiné à défendre la mise en œuvre d’un projet pluridisciplinaire en collège. Chaque professionnel faisant partie du projet a écrit ; ce texte est celui que j’ai écrit comme coordonnateur de l’ULIS.]

Pourquoi un projet pluridisciplinaire artistique pour les élèves du dispositif ULIS ? Que serait l’inverse ? Un non-projet disciplinaire non-artistique ? Apprendre les tables de multiplication ? Oui, mais il y a le sketch formidable de Jacques Baudoin « La table de multiplication ». Qui sont ces élèves ? Les élèves d’ULIS sont atteints de troubles des fonctions cognitives ou mentales, selon la nosographie (description et classification des maladies) actuelle. Ils ont des difficultés à comprendre, à apprendre, ils sont parfois « bloqués » dans ce processus.
Je vais essayer de préciser ce qui est important pour eux dans ce type de projet, comme pour les autres élèves, mais pour eux de façon accentuée. Je vois plusieurs dimensions.

La dimension artistique
L’art est alors LE recours. Ce n’est pas moi qui ai découvert ça et ça ne date pas d’hier. Le « nourrissage culturel » permet d’affronter des peurs archaïques, des problèmes familiaux, intimes. Sans se mêler de la vie intime des élèves, le pédagogue peut les confronter à des représentations de ces problèmes, et de leur possible élucidation, dans les expressions artistiques. L’art nous montre que les expériences humaines que nous vivons ont déjà été vécues par d’autres, de façon différente, et que leur expression sous des formes artistiques (métaphoriques ou non) peut nous aider. L’art réinscrit chacun de nous dans notre commune humanité tout en préservant notre expérience singulière. Ce « nourrissage culturel » agit aussi comme un détour pour des élèves retors aux tâches scolaires. Un projet artistique permet de mettre en avant d’autres formes d’intelligence que celles habituellement valorisées à l’école.

La dimension de projet
Un projet, c’est donner vie à des idées. Cela implique une transformation, donc un changement. Il y a une charge subversive à tout projet vrai. Le projet implique aussi une temporalité. Celle-ci permet aux auteurs/acteurs du projet de changer, de modifier leur regard sur leur environnement et sur eux. Réaliser/se réaliser c’est donner corps à un potentiel inconnu ; soi-même comme inconnu(e) tant que le projet n’est pas réalisé. L’élève découvre ce dont il est capable, s’améliore et améliore l’image qu’il de lui-même.

La dimension collective
Ensemble, nous allons inventer quelque chose. La socialisation va prendre la forme du travail en commun. On rejoint la question de l’identité. Dans ce projet, je suis reconnu par les autres par ce que je fais. La réussite du projet dépend de la capacité de chacun à accepter, accueillir l’autre, ce qu’il est, comment il est, comment il essaie de changer, de s’améliorer, avec l’aide de tous. Le projet doit permettre à chacun de trouver sa place qui lui permet de faire le mieux possible et de progresser.

La dimension de production de savoirs
Les élèves vont découvrir que l’école n’est pas uniquement un lieu de transmission de savoirs, mais aussi un lieu de production de savoirs. Dans un projet comme celui-là, on élabore des savoirs nouveaux issus de cette expérience concrète et inédite. L’apprentissage passe ici par l’expérience sensible. J’éprouve et je m’éprouve dans la réalisation du projet. La fin du projet atteste l’expérience vécue et les savoirs acquis.

La dimension concrète
Il s’agit de réaliser concrètement des idées. Pour les élèves d’ULIS, ce lien entre idée et concret est primordial. S’il est que le vrai savoir est celui qu’on peut vérifier soi-même alors le projet propose cette occasion. La dimension concrète se caractérise par l’engagement du corps de chacun. Trop souvent oublié et/ou nié à l’école, dans l’activité musicale et chorégraphique, il est mis en scène, engagé, reconnu, il s’exprime. Il apprend.

La dimension pluridisciplinaire
La pluridisciplinarité facilite la construction du sens de l’expérience scolaire là où le découpage disciplinaire peut être un obstacle. Le réel n’est pas découpé en tranches. On ne décide pas qu’un tel projet est pluridisciplinaire, il l’est. En revanche, on peut décider d’assumer ce fait, de le rendre explicite et d’en faire la condition de sa réalisation. Pour certains élèves, le point de vue d’une discipline sur le projet lui donne un sens nouveau, si ce n’est une légitimité nouvelle.

A propos de l'auteur ou de l'autrice

A compléter par une courte biographie d’Alexis GERARD, coordonateur d’ULIS