Transposition et contre-transposition

Auteur.e de la publication
Muriel Frisch

 

 

RESUME

Contre-transposition et transposition (Le double mouvement)

 

Contexte d’émergence 

 

Frisch, Muriel. (2001). Thèse intitulée « Didactique de la documentation. Quel savoir de la documentation au collège? », dirigée par Jean-Pierre Astolfi, Professeur en Sciences de l’Education, à l’Université de Rouen.

Frisch, M. (2003). Evolutions de la documentation. Naissance d’une discipline scolaire. Paris : L’Harmattan.

La mise en tension des concepts de « transposition » et de « contre-transposition » trouve son origine dans le projet initial de caractériser une didactique de la documentation (Frisch, 2001) en n’opposant pas savoir, pratique, compétence et connaissance.

 

Ce modèle peut devenir une méthode de construction didactique plus généralisable. Il est à la fois un outil de recherche, et un outil de construction. Il rend compte du double mouvement de « transposition et de contre-transposition didactique ». (cliquer sur le lien pour accéder à la modélisation du double mouvement de « transposition et de contre-transposition didactique modélisation transposition et contre-transposition )

 

La « transposition » signifie que l’Information-Documentation peut se référer pour transposer des savoirs à un ensemble composite de disciplines scientifiques : les sciences de l’information et de la communication ; la linguistique, les technologies numériques, l’informatique. Elle se réfère également à un ensemble de pratiques sociales de référence.

 

La « contre-transposition didactique » se réalise à partir des pratiques et des activités menées dans une organisation professionnelle, ce peut être l’école mais pas exclusivement. Elle consiste à considérer « la réalité » de ce qui se produit effectivement, au niveau « du Faire » (activité et pratique), « du Dire », par l’analyse des apprentissages de l’activité.

 

Il s’agit de travailler, avec les professionnels concernés, au repérage des savoirs d’expérience -l’expérience professionnelle est aussi source de construction de savoirs- à l’extraction des savoirs de l’action, et en mettant les « savoirs en mouvement ».

Elle consiste aussi à construire des éléments de savoir, des formes de conceptualisation qui proviennent de la complexité inhérente à la pratique, à l’activité professionnelle, au sein de cette organisation.

 

Dans une perspective didactique, les professionnels peuvent se référer au concept de « transposition didactique » en procédant à un ensemble de transformations adaptatives des savoirs de référence, à un travail d’appropriation d’éléments théoriques pour agir dans la pratique et à celui de « contre-transposition didactique » qui permet d’appréhender le milieu comme générateur de savoirs et de pratiques.

 

Ce qui « se joue » pour les différents acteurs dans une situation donnée en fonction des situations d’apprentissage ou de certaines « occasions d’apprentissage »[1] modifie le savoir ou la pratique de référence ainsi que la didactique elle-même.

 

Le double mouvement implique le processus de retour vers des expériences, des actions, des expérimentations et d’en effectuer une analyse.

 

Au fil de nos recherches, nous avons caractérisé des pratiques sociales de référence de nature différente pour l’Information-Documentation.

 

Pour nous, le mouvement qui consiste à se référer à des pratiques sociales en les considérant comme étant en dehors de l’organisation professionnelle concernée reste un mouvement en transposition. Si au contraire nous considérons les pratiques professionnelles d’éducation, de formation comme des pratiques sociales au sein de l’organisation, alors elles peuvent être concernées par le mouvement de « contre-transposition ».

 

Le travail de « contre-transposition didactique » en Information-Documentation a démontré, dans l’éducation, la nécessité de transformer des activités documentaires et informationnelles en objets d’apprentissage, en tenant compte « du réel » de l’activité, des savoirs de l’expérience professionnelle, en ne perdant jamais de vue la question du rapport voire des rapports aux savoirs : scientifique, professionnel, technique et celle de leur transformation.

 

Notre modèle n’a donc rien à voir avec le dessein d’une « disciplinarisation » scolaire, sans toutefois faire le procès du « disciplinaire ».

 

Les didactiques sont des champs de recherches. Pour contribuer à élaborer une didactique, celle de la documentation par exemple, il s’agit de tenir compte des différentes conceptions didactiques et disciplinaires.

 

Jean-Pierre Astolfi concevait la notion de discipline comme correspondant à un mouvement dans la construction de la pensée. Les disciplines sont des constructions humaines qui renouvellent la façon dont on a considéré les choses jusque-là. Ce qui prévaut c’est de faire de l’école le lieu de transformations des représentations et de travailler le sens des erreurs[2] (1997) pour accéder aux concepts. La question de la référence est attachée à l’expertise et aux savoirs extraordinaires, c’est-à-dire en dehors du sens commun. Ce qui est primordial, c’est le travail autour des concepts[3]. Dans ses travaux, les savoirs (2008)[4] sont presque synonymes de concept.

 

Des savoirs de nature différente transposés et contre- transposés

 

La pratique documentaire et informationnelle induit la construction de savoirs et le recours au « savoir de l’information ».

Notre caractérisation de savoirs clés de l’information-documentation s’est construite en lien avec des milieux, des situations mobilisatrices du travail, des pratiques de référence, des besoins, de « la réalité » de ce qui se joue aussi pour les acteurs concernés.

 

Ces savoirs peuvent relever autant, sinon plus, d’un savoir d’action, que d’un savoir notionnel, pour différentes raisons : parce que ce sont essentiellement des savoirs pratiques qui sont contre-transposés, en référence, par exemple, à la pratique experte des techniques documentaires et informationnelles, parce que la documentation ne peut se concevoir que dans le contexte d’un certain nombre d’outils de recherche : logiciels documentaires, logiciels bibliographiques, catalogues numériques, moteurs de recherche sur le(s) web(s) qui amènent à envisager le savoir dans une logique d’usage.

 

Toute chose ne répond que si on l’interroge. Ce qui est au cœur de cette activité complexe est bien le problème général de la compréhension, de l’interprétation de l’outil, du document, de l’information par l’usager, l’apprenant en fonction de son développement personnel et de l’état de ses connaissances (Frisch, 2007, p.284-285). Le savoir peut se construire au cours des investigations, des explorations, des expérimentations, en même temps qu’on le questionne au cours de l’activité (Frisch, 2012).

 

 

Pour aller plus loin :

 

Frisch, M. (2020). Didactique de l’Information-Documentation et développement d’une posture de recherche dans les métiers de l’humain et en intelligence collective…Paris : L’harmattan.

Frisch, M. (2016). Emergences en didactiques pour les métiers de l’humain. Paris : L’Harmattan. (I.D/Emergences, cheminements et constructions de savoirs).

Frisch, M. (2012). « De l’information à la connaissance ». Les Cahiers pédagogiques, Développer les compétences dans les pratiques documentaires. Collection Hors-série numériques, n°27. Disponible à l’adresse : http://www.cahiers-pédagogiques.com/Developper-les-competences-dans.hml

Frisch, M. (2007). « Entrer dans les savoirs documentaires et informationnels en situation d’apprentissage et de formation ». Penser l’éducation. N° Hors-série, p.281-290.

[1] Voir le traitement de cette entrée dans le conceptogramme

[2] Astolfi, Jean-Pierre. (1997). L’erreur un outil pour enseigner. Issy-Les-Moulineaux, Paris, ESF.

[3] Cela est flagrant dans le dernier entretien qu’il a accordé à Bernadette Fleury peu de temps avant de disparaître.

[4] Astolfi, Jean-Pierre. (2008). La saveur des savoirs. Discipline et plaisir d’apprendre. Paris : ESF.